lundi 15 décembre 2008

Á l’ombre d’une toile psy…, Par AD2

Quel rêve !


Lundi 07 janvier 2008.

Dans une pénombre monumentale qui accentue mon malaise, je trottine, la gueule encore enfarinée pour ne pas arriver en retard. Je grimpe les marches. Sur la fin de la montée, je suis essoufflé. Je ne fais plus aussi attention aux marches encore glissantes avec la pluie qui est tombée. Je trébuche sur l’avant-avant-dernière marche. J’arrive à me récupérer sur le sol du parvis dans une posture digne d’un gymnaste afin de ne pas dégringoler tout l’escalier et me rompre le cou. Je me redresse rapidement, endolori. Je balaye le parvis de la cathédrale de Nouméa du regard. Ouf ! Personne ne m’a vu faire ma cascade. Personne ne rentrait dans le bâtiment à ce moment là ni ne me suivait dans l’escalier. Cela serait un comble de mourir sur le trajet religieux pour participer à une messe funéraire !
Je suis toujours dans l’ombre architecturale qui continue à m’opprimer la cage thoracique. Le sanctuaire s’auréole d’une lumière aveuglante provenant d’un faisceau solaire qui transperce les nuages.
La journée commence bien. Je dois rester concentré et ne pas me mettre à déconner. Je n’aime vraiment pas les cérémonies funéraires, surtout par une journée d’été pluvieuse. Chaleur et humidité ne se marient pas avec le costume sombre, ce vêtement pourtant de rigueur pendant ce genre de réunion triste et ennuyeuse. Je souffle une minute puis décide de rentrer dans l’édifice. Surprise ! L’église est pleine à craquer. Je suis, comme qui dirait, le dernier. La cérémonie a même débuté. Je reste au fond, histoire d’observer les têtes pour reconnaître des amis. Je vois mon groupe de sportifs du dimanche au fond de la salle dans l’aile sud. Je me faufile pour atteindre mes compères à travers la foule en m’excusant tout le long auprès des personnes que je bouscule. Leurs regards sont noirs et agressifs. Arrivé à hauteur de mes copains, je leur dis bonjour en chuchotant. Jean me prend à partie pour mon retard. Je lui rétorque que 5 minutes ce n’est pas si grave, tout en lui décrivant mon dérapage dans les escaliers de la cathédrale. En souriant, Jean m’informe que cela fait une bonne demi-heure que la messe a commencée. Offusqué, je lui réponds sur un ton plus fort :
- Comment cela se fait que la cérémonie a débuté à 9 heures, elle était prévue à partir de 9 heures 30.
Beaucoup de têtes se retournent dans notre direction avec des « chut ! » autoritaires dessinés sur leurs lèvres. Tous les deux, nous baissons la tête, Jean commence à rire et je le suis dans un fou-rire. Nous nous calmons.
Jean me fait signe de regarder vers le cercueil, tout en me chuchotant qu’il était resté beau en vieillissant notre défunt ami. Je m’exécute comme un bon militaire et suis son regard en direction du cercueil. Je suis consterné de voir le couvercle dressé laissant apparaître le haut du corps. Je n’arrive pas à reconnaître notre ami mort. Son visage est flou. Je ne distingue réellement que des cheveux blancs. Pour répondre à Jean, je fais signe que oui de la tête. Ce visage blafard aux traits indistincts me rappelle une personne, mais qui ? Je n’arrive pas à associer un nom au macchabée. Je laisse tomber cette réflexion. Je continue mon tour d’observation jusqu’au premier rang des bancs. Je reste subjugué par la beauté d’une demoiselle y étant assise. Sa robe noire, épousant parfaitement son corps, la tristesse de son visage d’ange et la luminosité intérieure de la cathédrale, se conjuguent pour faire exploser la beauté naturelle de sa silhouette. Elle vient de se lever au son d’un chant religieux imitant les autres fidèles.
Discrètement, je demande à Jean qui elle est. Tout en me taquinant, il me répond que j’ai toujours eu le béguin pour la femme du mort et qu’elle est encore plus belle avec son voile sur son visage. Vexé, je l’interromps fortement pour lui dire que j’ai bien reconnu la femme du défunt, même sous son voile, mais ce n’est pas d’elle dont je veux parler. Des regards remplis de colère se retournent de nouveau vers nous. Nous baissons encore nos têtes. Je lui dis de laisser tomber. Je relève ma gueule pour la fixer en direction de la beauté du premier rang. Je reste ainsi dans cette position jusqu’à la fin de la messe en écoutant en demi-teinte le déroulement de cette célébration macabre. Jean me tape sur l’épaule, il m’avertit que la cérémonie est finie et que tout le monde s’en va pour aller au cimetière du 6ème Km. Je lui dis que j’arrive. Tout en partant, il me baragouine de ne pas recommencer à déraper. Je ne bouge pas, dans l’attente que ma beauté décolle de son banc, puis je la suis à distance à travers l’église. Quelques mètres derrière elle, je traverse le parvis et descends les traites escaliers. Avec la récente veuve, elle tourne à droite en bas des escaliers. Merde ! Ma voiture est garée sur la gauche. Je me précipite vers mon auto et démarre en trombe pour rejoindre le cimetière.
Avec tout ce monde présent à l’église, un bouchon se forme pour partir et aller à ce cimetière. Pris dans ce bouchon, je ronge mon frein de ne pas pouvoir aller plus vite. A la première occasion de sortir de ce cortège mécanisé, je tourne sur la droite alors que la file de voitures continue sur la gauche. J’accélère en me remémorant le parcours à emprunter par cette voie pour arriver au plus vite au cimetière. Aux feux rouges et aux stops, je suis impatient. Dans ma précipitation, je perds le fil du chemin et m’égare dans des quartiers de Nouméa. Je retombe enfin sur la bonne voie. J’arrive au cimetière. Je me gare assez loin, tout le joli monde à l’air d’être déjà là. Je m’élance dans l’allée principale. Je repère l’attroupement. A marche forcée et en nage, je le rejoins. Je ne reconnais personne. « L’enculotte !» Ce n’est pas le bon enterrement. Je scrute l’horizon et je trouve un autre regroupement de vivants. De celui-ci, quelqu’un me fait des signes. C’est Jean. Je fonce le rejoindre. Tout en riant, il me demande ce que j’ai foutu. Enervé, je lui explique ma tactique qui, il faut dire, ne fut absolument pas judicieuse. A nouveau, ces regards tristes et en colère à la fois nous fusillent. Nous nous taisons et nous nous tenons solennellement droits. Combien de temps ai-je perdu avec mon soi-disant raccourci ?
Je récupère ma beauté dans mon champ de vision, postée prés du cercueil. Comme à l’église mon regard reste figé sur elle. Je n’écoute plus le discours pompeux du cureton. Mes pensées s’évadent dans un lieu baigné de lumière où je suis à côté de ma belle et où la décence m’oblige à ne pas raconter ce que nous faisons ensemble pendant cet instant de recueillement. Or mon imaginaire, lui, n’arrête pas de s’enrichir d’images et de sensations très agréables pour mon seul plaisir. Alors que j’erre dans ce lieu féérique, Jean brouille ma vue. En souriant, il m’annonce que ce fut un bel enterrement. Il a toujours le sourire celui-là. Il insiste en me demandant si je suis présent avec lui. Mon silence lui répond. Il continue son monologue. Il est étonné de me trouver ainsi concentré. Il me confie même qu’il est surpris qu’aucune catastrophe ne me soit arrivée. Il pouffe de rire et finit par me dire qu’il ne me connaissait pas autiste à ce point et il s’en va. Pour qui il se prend ? Il n’est pas mon père.
Ma beauté réapparait, elle me parle :
- Vous connaissiez le défunt.
- Je lui réponds : hein ? Quoi ? Pimpon ! Euh pardon, en sortant de ma rêverie, très gêné avec mon caleçon trop court.
Il n’y a plus personne autour de nous, nous sommes seuls tous les deux à côté de la tombe.
- Vous connaissiez mon oncle ? Reprend-t-elle.
- Oui, est ma seule réponse évasive avec mon air hébété.
Elle doit prendre mon expression pour de la tristesse, elle se retourne et s’en va. Je regarde la pierre tombale. Sur la stèle, j’ai du mal à reconnaître la photo du défunt et à lire son nom. Je prends petit à petit conscience que ma beauté m’a parlé. Je me retourne brusquement et je la vois marcher en direction de la sortie du cimetière. Je me précipite vers elle. En m’approchant, une chanson rock s’insinue dans ma tête. Je suis prêt à l’aborder…
Un spasme neuronal me réveille brutalement. Il fait nuit autour de moi. En sueur, je me retrouve assis avec les jambes allongées sur mon lit, en sentant mon caleçon étriqué. Ma tête se tourne à droite d’instinct, un faisceau lumineux m’éblouit. La lumière du réveil m’annonce 6 Heure 02. Je me rallonge, déçu de ne pas connaître la fin de ce rêve. J’essaye de garder en mémoire ce songe étrange en attendant le flash info de 6 heures, l’heure de mon réveil étant réglée avec 5 minutes d’avance.
Pendant tout le temps nécessaire à ma préparation matinale, du petit déjeuner à l’habillage en passant par ma toilette, je réfléchis à ce drôle de rêve. Ce qui m’inquiète, c’est le fait que je ne pouvais pas voir clairement le visage du défunt dans le cercueil ouvert à l’église. A l’inverse, je me souviens parfaitement encore de toute la physionomie de ma beauté, en étant pourtant sûr de ne jamais l’avoir vue nulle part. Au moment du départ, mes conclusions m’amènent intuitivement à penser à Germain. Je soliloque avant d’ouvrir la porte :
- Allez ! Thiburst Franglois ne te laisse pas aller à tes moments d’angoisse et de dépression.
Cela fait à peu près un an que je me suis équilibré malgré les évènements que j’ai surmontés. Germain Mourot, psychanalyste de son état, m’a aidé et m’aide encore d’ailleurs à remonter la pente. Depuis 4 ans que je suis en Nouvelle Calédonie, je tiens le cap et c’est un peu grâce à lui.
- Il ne t’a pas fait de mal, alors pourquoi penser à lui comme le défunt de ton rêve. Reprends-toi, mon gars. Tu es une belle gueule de 34 ans. Tu as de l’avenir devant toi. Chaque jour est à vivre. Une chose est sûre : je sais définitivement que je déteste les cérémonies funéraires par temps chaud et humide.
Gonflé à bloc, je ferme la porte de mon appartement et je pars au travail.


Pourquoi répondre au téléphone ?


Samedi 02 février 2008, à Nouméa 19 heures 30, du côté de Bordeaux 9 heures 30.

Cela fait une heure que je suis un zombi devant le poste de télévision allumé, à décompresser d’une journée harassante à vendre des articles sportifs à des clients se proclamant sportifs.
Le téléphone sonne. Pourquoi n’ai-je pas encore acheté un répondeur ? Je me lève et décroche le combiné :
- Allo.
- Bonjour mon cœur, c’est maman. Comment vas-tu ?
- Bien mère, et vous ? Je lui réponds sèchement.
- Ca va. Pourquoi es- tu déjà agressif ?
- Je ne suis pas agressif, en l’interrompant. Je suis claqué de ma journée. Tout en pensant que cela aura pour effet d’abréger la conversation.
Elle continue toujours sur un ton tendre :
- Bien, je voulais avoir de tes nouvelles, cela fait un mois que c’est le silence radio de ton côté…
Un gong résonne dans ma tête. Cela fait longtemps qu’elle n’a pas été mielleuse avec moi. Houlà ! Il faut couper court à cette parlotte. Elle va me demander quelque chose. C’est quasiment toujours moi qui les appelle, à en avoir des notes téléphoniques faramineuses. S’il existe des emprunts pour cela, je suis le premier à en souscrire un. Pour le peu de fois où ils téléphonent, on pourrait penser qu’ils s’en moquent de ma petite personne. D’ailleurs je suis toujours convaincu qu’ils ne soucient aucunement de moi, ce n’est qu’une façade à mon égard. Que lui dire pour lui faire plaisir et arrêter l’appel sans heurt cette fois-ci ?
Ma mère reprend :
- Tu es toujours là avec moi ?
- Ouais, ouais, en grognant. Elle ne va pas me laisser réfléchir tranquillement.
Continue ton monologue de sourds, ton blabla m’importe peu.
- Non parce que tu ne me réponds pas.
- Je réfléchissais pour mettre de l’ordre dans mes idées afin de te faire mon rapport mensuel. C’est bon ça !
- Vas-y, raconte. Elle mord à l’hameçon.
- Comme je vous en avais informé en janvier, je participe de plus en plus à la vente des articles sportifs du magasin. C’est régulièrement difficile avec les clients chiants, ne connaissant rien mais qui se prétendent plus précis que des professionnels. J’arrive à garder mon calme, je suis motivé par les primes accordées sur les ventes. Je suis toujours aussi aux achats et à la gestion des stocks, activité que je partage avec mon collègue que j’ai en partie formé.
- Mais…
- Laisse-moi finir.
- D’accord, excuse-moi, continue, dit-elle tendrement.
- Donc, mon patron me laisse toujours du temps pour faire du monitorat en sports de glisse les week-ends et les mercredis après-midi. J’ai même participé à l’animation d’un stage de voile d’une semaine pour des adolescents dans le nord de l’île, il y a de cela 15 jours. Tout s’est bien passé.
- Je te félicite. Elle n’arrêtera pas de m’interrompre.
- Aussi, certains soirs, je sors avec un groupe d’amis. Ceux que m’a présentés mon collègue Steve. Ils sont très sympas et n’ont pas le syndrome d’infériorité face aux zors. Je rencontre par leur intermédiaire des donzelles. Ce qui me permet d’avoir des passades amoureuses et de repousser ma timidité face à la gent féminine. Voilà, mère.
- Je suis fier de toi, Thiburst. Mais c’est quoi des zors ? Même en m’appliquant pour abréger la conversation, elle a trouvé la question qui tue.
- C’est un zoreille, un cinq-cinq, un métro, quoi ! Je te l’ai déjà dit, tu ne retiens rien !
- Ne t’énerve pas chéri. Excuse-moi, je ne me rappelais plus.
- Je ne m’énerve pas. Elle a le don de m’agacer. A croire qu’elle m’a mis au monde pour exercer ce don sur moi et en soulager mon père, ce lâche ! Bon allez, bonne journée.
- Attends, tu ne veux pas connaître les nouvelles familiales. On croirait que cela t’agace de parler avec moi.
Si tu savais.
- Ben, c’est ça.
- Oups !...
- Non, je plaisante. A ton tour, raconte. Je fléchis, je me suis fais avoir par son ton doucereux.
- Ton père va bien, il prépare sa retraite. Et sa mort, il l’a planifiée aussi ?
- Lui qui est assidu au travail. Tu me diras, il va avoir du temps pour s’occuper de ses œuvres caritatives.
- Tu le connais, il n’arrête jamais, mais il appréhende tout de même de ne plus travailler. Il a peur de s’ennuyer à la retraite.
- Pourtant il t’a, toi. Vous pourrez passer plus de temps ensemble et en profiter pour voyager. Je prends aussi ce ton doucereux qui m’agace sans baisser ma garde pour connaître le fin mot de son histoire.
- Tu sais, je lui ai déjà dit cela mais ce n’est pas en vieillissant qu’il risque de changer en devenant plus expansif à mon égard. Pour ce qui est des voyages, sa terre natale lui suffit maintenant. Il dit ne pas avoir envie de découvrir d’autres pays, il répète qu’il y a un truc génial qui lui suffit actuellement pour en savoir toujours plus sur le monde : internet. Mais je le sens prêt à céder à mes incessantes demandes de voyage.
Houlà ! Danger, ne pas continuer dans cette voie mais être courtois, il faut changer de sujet.
- Ah quel dommage ! J’avais envisagé de vous proposer de passer des vacances en Nouvelle-Calédonie pour venir me voir. J’attendais que père soit en retraite, mais tant pis. Je m’en sors bien. Sinon pour s’occuper, il peut continuer à jardiner. Ce qui te laissera du temps pour penser à toi. Ce que tu as très bien fait toute ta vie. Un bon passage de crème tout de même, cela ne fait pas de mal. La comédie a assez duré, rideau. Au revoir, à la prochaine.
- Attends, tu ne veux pas avoir des nouvelles de ton frère et de tes sœurs. Je t’ennuie ?
- Non. Je t’écoute pour la suite du feuilleton familial. Résigné. Je n’avais pas oublié mon frère et mes deux sœurs. Pourquoi je me justifie ? Je pensais que tu n’avais rien de nouveau à me dire sur eux.
- Au contraire, détrompe-toi. Ta sœur Aude vient de nous annoncer qu’elle est de nouveau enceinte, pour la 4ème fois.
Malgré son ton joyeux, à mon avis, elle doit jubiler de me planter ce coup de poignard, me rappelant au passage que je n’ai pas encore d’enfants.
- Mazette ! Si elle continue comme ça la sœurette, elle va nous monter une équipe de foot pupille dans 10 ans à chier des mioches tous les 2 ou 3 ans. Ma sœur cadette de 4 ans a commencé les accouchements depuis ses 22 ans. Son désir paraît être de détrôner notre mère dans les naissances puisqu’elle a réussi à être enceinte très tôt en gardant les bébés jusqu’à leur terme, contrairement à notre mère.
- Arrête d’être méchant. Tu peux au moins être heureux pour elle. Je ne sais pas si je vais continuer à t’informer de la suite.
Si tu savais comme je me fous de son sort comme celui des autres.
- Tu peux reprendre, je continuais à plaisanter. Ce n’est pas vrai. Mais comme j’ai capitulé pour connaître tous les potins familiaux. Ainsi je serai débarrassé de la corvée de téléphone pendant 2mois.
- Edouard a gagné du galon dans sa boîte, il a été promu directeur régional des ventes. Ils vont pouvoir s’acheter une maison et quitter leur appartement. Ils cherchent soit un terrain à bâtir soit une villa en vente proche de chez nous.
Dans quoi il bosse déjà le beau-frère et puis on s’en moque !
- Ouah ! Ca gagne bien ça directeur régional. Ils ont intérêt à prévoir grand avec la tripotée de mômes que va nous faire la sœurette. Peut être que chacun, on pourra en adopter un.
- Ah non ! Ne continue pas, dit-elle sur un ton désolé. Pas touche à ses filles.
- C’est du comique de répétition, mam. Pas trop de compassion, il faut rester distant. Allez ! A un autre. Et Tanguy ? Mon frère, de 6 ans mon cadet, il en est où l’affreux ?
- Ton frère vient de finir ces trois années comme stagiaire expert-comptable. Ton père a su convaincre ses deux patrons de l’embaucher. Il commence en mars.
- Enfin père doit être fier qu’un de ses fils reprenne le flambeau. Toi aussi, je suppose.
- Ca n’a pas l’air de te faire plaisir.
- Mais enfin ! Bien sûr que oui ! Si ça vous convient, je ne vois pas bien ce que j’ai à y redire.
- Allons mon chéri, calme-toi. Ca fait longtemps que nous ne t’avons eu au téléphone. Je pensais que cela te ferait du bien d’avoir des nouvelles de ta famille. Nous pensons très fort à toi.
Je vais te croire, ouais ! L’autre là qui me sert de paternel ne fait que me critiquer, par contre pas touche à son petit protégé. Il se met en quatre pour lui.
- Bon ! N’insiste pas mère. Pour finir, que devient la dernière sœur ? Êtes-vous toujours aussi laxistes avec elle que vous avez été sévère avec moi ?
- D’accord, d’accord ! Ta petite sœur Alice a pris de plus en plus conscience de l’importance des diplômes dans la vie active. Depuis un mois, elle travaille enfin sérieusement à l’obtention de son master de droit dont les examens seront en juin. Comme toi, elle reste fidèle à ses passions, elle fait toujours beaucoup de sports. Par contre, elle sort moins, ce qui est une bonne chose. Et puis enfin ! Tu sais bien comment ça se passe dans une famille, le dernier a toujours eu une place à part. Les premiers ont essuyé les plâtres.
- Hum, hum ! Bon changeons de sujet. Qu’est ce qui me prend ?
- Ta grand-mère…
- STOP. Je ne veux absolument rien savoir sur cette vieille peau. Elle ne m’a jamais porté dans son cœur, ce n’est pas maintenant que je vais m’inquiéter pour elle. Au début cela m’amusait de rentrer dans le tableau d’une famille unie. Maintenant cela m’agace sérieusement. Finis tes ragots. Dis-moi franchement la raison de ton appel. Je ne pense pas que c’est pour savoir si je suis aux portes de la grande faucheuse.
- Très bien ! Puisque tu le prends sur ce ton. Laisse-moi te faire cette réflexion. Aie quand même du respect pour tous les membres de ta famille, surtout les anciens. C’est grâce à eux que tu te retrouves parmi les êtres humains, en particulier par cette grand-mère maternelle. Tu peux toujours courir ! J’espérais que la distance entre nous allait nous rapprocher. Je constate que ce n’est pas le cas. Elle va la cracher sa « Valda ». Je ne comprends pas ton obstination de ne pas rentrer nous voir depuis plus de deux ans.
Ah ! Ca y est, on y vient.
- Je vous l’ai déjà expliqué que j’avais trouvé des places de moniteur de ski pendant l’hiver d’ici en Nouvelle Zélande et de voile en été à Nouméa.
- Nous sommes ta famille tout de même. Tu pourrais t’inquiéter pour nous.
- Super ! Quelle famille ? Vous pouvez vous déplacer vous aussi pour venir me voir. Mais non, cela ne se ferra jamais. Cachons vite le vilain petit canard loin de la famille, surtout des amis. Qu’est-ce qu’ils diraient s’ils voyaient l’aîné raté et complètement azimuté comme Tantine Francine, dans une famille de la haute bourgeoisie.
- Je t’interdis de dire cela, rugit ma mère en commençant à larmoyer.
Je l’ai touchée, peut être coulée.
- Cela vous arrange bien que je sois à 25 000 bornes du fief familial. Vous pouvez m’inventer de belles situations face aux autres pour conserver votre belle image d’une famille huppée et importante dans le tissu social bordelais.
- Ne crois pas cela, jamais ! Nous t’aimons et nous nous inquiétons beaucoup pour toi. C’est pour t’aider que nous avons pris la décision de te faire partir de France.
Mais bien sûr, je vais te croire. Elle pleure, coup de grâce final.
- Ne vous inquiétez plus pour moi. Je vis très bien sans vous et toute cette satanée famille ici. A part oncle Edmond et feu regrettée tante Adèle. J’arrive à me débrouiller seul maintenant avec mes forces et mes faiblesses. Je sais vivre avec mes tares.
- Oh non ! Ne me dis pas ça !
Silence puis j’entends des bruits de pleurs étouffés. Elle reprend la gorge nouée :
- Je suppose que tu ne rentres pas pendant les vacances françaises d’été. Je comptais te voir présent à l’anniversaire de ton père ainsi qu’à sa fête de départ en retraite. Il va être déçu, c’est lui qui avait insisté pour que je te téléphone.
- Ah ça ! N’y comptez absolument pas. De plus, ça tombe bien que tu évoques les prochaines vacances. Je ne savais pas quand ni comment vous l’annoncer. Mais tu as bien deviné. Je reste encore ici. D’ailleurs, où est ce grand paternel que je …
- Raccroche, crie mon père derrière ma mère.
J’entends au bout du combiné tut, tut, tut, ttt…
Elle ne m’a même pas laissé finir ma phrase. Je suis sûr que son imagination lui permettra de deviner celle-ci. Je m’écris, victorieux, en raccrochant sèchement le combiné :
- Je ne rentrerai plus jamais vous voir ! Jamais !
Peur ! Le téléphone sonne de nouveau :
- Quoi ! Qu’est qu’il y a encore ?
- Ben alors ! Qu’est ce que tu fous. Ca fait des plombes que j’essaie de t’appeler. Ton portable est sur répondeur et ton fixe sonne toujours occupé. On t’attend. Il y a déjà de la belette ce soir. La nuit promet d’être chaude, très chaude. Tu n’as pas oublié ?
C’est Steve.
- Excuse-moi. J’étais au téléphone avec ma mère. Ca vient de se terminer brusquement. J’avais coupé mon portable tout à l’heure en rentrant pour me reposer. Quelle heure est-il ?
- Vingt et une heures, mon gars. Toi, tu vas me lâcher. M’est avis que votre conversation fut très houleuse. Ah ! Ces zors !
- A qui le dis-tu ? Cela s’est terminé en eau de boudin. T’inquiète, j’arrive. Cela me changera les idées. Laisse-moi le temps de me préparer et je te raconterai mon triomphe verbal face à ma mère autour d’un bon verre avec vue sur les minettes.
- T’as intérêt.
Je raccroche doucement.


*********

Dimanche 03 février 2008.

Le réveil est difficile. Mon cerveau embrumé d’alcool est la réplique exacte d’un capharnaüm orchestral. Les paupières lourdes ont du mal à s’ouvrir. Mon nez est bouché. Ma bouche est pâteuse et ma gorge est sèche. J’ai une haleine de bouc. Mon corps est flasque, sans énergie pour faire le moindre mouvement. Rien que de bouger le petit doigt fait démarrer la grosse caisse dans ma tête. Je reste allongé sur le dos dans mon lit. Je suis encore tout habillé. J’en ai pris une bonne hier soir. Cela faisait longtemps que je ne m’étais pas murgé comme ça. Heureusement, j’arrive à conserver tout l’alcool ingurgité. Ca ne sent pas le vomi dans la chambre. Quelle heure est-il ?
Mon réveil indique 11 heures 10. J’ai le temps de me reposer. J’essaye de me rendormir mais cela est impossible avec le boum-boum qui explore tous les recoins de ma cervelle et l’abondance de questions, sans réponses, qui surgissent des méandres de mon cerveau pour fuir rapidement vers leur source de création. Autant que je me consacre à essayer de répondre à ces questions indiscrètes. Cela m’aidera peut-être à me rendormir.
A quelle heure suis-je rentré ? Je ne sais pas. Disons tard dans la nuit ou tôt dans la matinée, cette dernière remarque convient mieux.
Suis-je rentré par moi-même ou m’a-t-on déposé chez moi ? J’en sais foutre rien. Je connais ma « titine » de voiture. Je pense avoir confiance en elle. Elle connaît par cœur le chemin du retour. Mais là, avec la dose que je me suis mis, je suis béni des dieux d’être rentré sans accident. Euh ! A vérifier plus tard l’état de la guinde.
Eh bien ! Ca promet les réponses. Allez, question suivante.
Suis-je rentré seul ou accompagné ? Ah, ça ! Je peux le savoir. Par des efforts surhumains, je tâte l’autre côté du lit avec mes bras, personne. J’écoute d’éventuels sons dans mon appart. C’est le silence absolu. Je suis donc rentré seul.
C’est pas mal ce jeu « Qui suis-je ? ». Il faudrait que j’y joue à jeun. Non, je suis sûr que cela ne serait pas aussi amusant. Un rien nous amuse quand on est bourré. Bon ! Je continue.
Je suis encore tout habillé. Ai-je gardé mes chaussures ? J’arrive à bouger facilement mes orteils. Houlà ! Ma tête. Plus de questions qui me fassent bouger la moindre parcelle de mon corps. Au moins, je n’ai plus mes chaussures aux pieds.
Avec qui suis-je sorti hier soir ? Je me rappelle. C’était avec Steve et toute sa clique. Nous avons fait la tournée des bars-boîtes de la Baie des Citrons pour finir au Corto.
Ah, non ! Pas celle-là. Pas la question qui tue.
Ai-je ferré une gazelle ? Apparemment, ce n’est pas le cas.
Reprenons sérieusement.
Où suis-je ? Je suis con, à Nouméa en Nouvelle-Calédonie. Oui, mais où précisément ? Dans ma chambre pardi ! J’ai dit sérieux.
Ce n’est pas facile de gérer les retours d’alcool.
C’était quoi son prénom. Ah oui ! La serveuse. Dans quel bar ? Il y en a trop à la baie des citrons. Les lumières, la musique, la foule m’enivraient. Ouah ! Tous ces souvenirs se cognent dans ma cervelle et c’est ma tête qui prend. Passons à autre chose.
Je me souviens. A travers cette foule dégoulinante de bons sentiments et de faux prétextes, elle était encore là. Son regard souriant adressé à ses amies m’aspira. Dans quelle boîte c’était déjà ? Mais barre-toi la question. On s’en fout du lieu.
Ah ! Ca y est. Elle revient dans ma mémoire. Elle était blonde et paraissait libre et insouciante du temps qui passe. Même désinhibé par l’alcool, je n’osais toujours pas l’aborder. C’était au Corto, je crois.
Aïe ! Mon ventre gargouille comme une chasse d’eau.
Qu’est ce que j’ai bouffé la veille ? Un pet lourd et étourdissant, aux relents d’oignons et de lardons, calme mes turpitudes intestinales. Ca c’est de la « flammekueche » ou je ne m’y connais pas. Aux 3 Brasseurs, c’est cet ersatz de pizza que j’ai englouti pour éponger. La serveuse, ma blonde du Corto, c’est elle. J’avais commencé à la taquiner. Sa dernière réponse me figea, elle me rappela ma mère. Le lieu, les 3 B, c’est comme une évidence : Brider, Brimer et Baratiner. La boucle est bouclée. C’était l’éducation à deux balles de mes parents que ma mère vantait à tout le monde. C’est encore à cause d’elle si je suis incapable de me prendre complètement en mains. Il faut qu’elle soit là, omniprésente à l’autre bout du monde. Une fois de plus, je me suis senti incapable par la suite de maintenir le contact avec ma serveuse.
Enervé, les tempes gonflées et le cortex cérébral désaxé n’empêchent pas la remontée acide du lait maternel. Cette saloperie de conversation de la veille avec ma maternelle refait surface, comme le lait en poudre qu’on envoie aux petits affamés d’Afrique.
Au fait, pourquoi dois-je me morfondre ? Autant que ma beuverie serve à fêter ma 1ère victoire sur ma mère. Hier soir, je l’ai faite pleurer. Pourquoi sont-ils aussi chiants mes parents ? Ont-ils peur que j’échappe à leur emprise ? Cela commence. Mais n’y a-t-il pas autre chose ? Il faut que je pense à creuser cette piste.
Pourquoi n’ai-je pas été aussi fort que cela, il y a quatre ans et demi ?
J’avais une situation cool. J’étais embauché à toutes les saisons par l’UCPA en tant que moniteur. L’été se passait au bord de l’océan atlantique et l’hiver dans une station des Pyrénées. Dans les intersaisons, je travaillais pour une grande marque de sports nautiques. Je vivais à la colle avec une norvégienne, Elgä, bonne comme une omelette à toutes les sauces. Elle était venue finir ses études à l’université des sciences de Bordeaux. Elle finissait sa thèse dans je ne sais plus quel domaine de recherche scientifique. Je voyais régulièrement ma Tantine Francine, une amie dépressive et un peu folle de mes parents. Notre relation était plus maternelle que le lien familial avec ma mère. Mes parents me laissaient tranquille. Ils ne venaient plus me casser les pieds régulièrement.
En quelques mois, tout mon monde s’est écroulé.
Ma Tantine s’était suicidée. Elle me laissait une lettre explicative et tout son patrimoine. Elle n’avait plus de famille, à part moi à ses yeux. Mes parents furent surpris que je sois son seul héritier, eux qui avaient géré ses biens sous tutelle. Ils me demandaient des comptes sur notre relation, je les envoyais balader. Ce fut pour moi un choc que je n’arrivais pas à surmonter, fragile comme j’étais.
Ma vie de couple s’effrita de plus en plus après ce tragique évènement. Mon couple battait un peu de l’aile déjà avant la mort de Tantine. La tension entre mon omelette et moi était due à notre divergence de mode de vie, à son irritabilité excessive causée par la rédaction de son rapport de thèse, et à mon éloignement professionnel, tout relatif en distance, mais qui m’occupait presque 24 heures sur 24. Elgä sentit mon début de déchéance et en avertit mes parents. Je fis l’effort de rentrer un week-end. Je ne trouvais plus ni ma norvégienne ni ses affaires dans notre appartement mais une lettre de rupture. Elle était rentrée dans son pays sans moi, sa thèse réussie. Je me renfermais de plus en plus, devenant entièrement asocial. Ce qui n’arrangeait rien, c’est que mes parents re-émergeaient encore plus déterminés à contrôler ma vie. Je les soupçonne d’avoir poussé Elgä à partir sans m’avertir avant. Ils ne l’appréciaient pas trop.
Au boulot, je n’étais plus présent, autant physiquement que moralement, que cela soit pour la clientèle aussi bien que pour la charge administrative et organisationnelle. Le centre UCPA me congédia sur un motif bidon sans être trop lourd afin de ne pas me griller vis-à-vis des autres centres. J’étais parvenu à devenir une référence nationale en monitorat à l’UCPA et même en dehors.
Sous injonction parentale, je réintégrais, malgré moi, le cocon familial, l’enfer !
Deux mois plus tard, une nouvelle lettre me fut destinée. Ma marque de sports nautiques me licencia. Elle démembrait complètement mon service. Tous mes efforts pour l’aider à intégrer d’autres sports de glisse, notamment en hiver, furent réduits à néant. Je comptais encore sur cette activité pour remonter la pente.
Ma déchéance était totale. Boissons, drogues, tous les moyens possibles et imaginables pour oublier passaient entre mes mains, et pas qu’entre elles d’ailleurs. J’étais devenu acariâtre et complètement marginal.
Pour me sortir de mon trou, mes parents eurent l’idée de m’envoyer en Nouvelle-Calédonie afin de changer de vie. Encore une fois, je me laissais exhorter par leur beau discours. Un échec supplémentaire m’aida à confirmer leur décision. La grande direction de l’UCPA me ferma les portes pour l’ensemble de leurs centres d’hiver. Des fuites de mon centre d’été étaient arrivées jusqu’aux oreilles des hauts dirigeants de l’Union nationale des Centres sportifs de Plein Air.
Motivé un temps, je stoppai net toutes formes de toxicomanie pour partir présentable en Nouvelle-Calédonie. Je me cloitrais la plupart du temps dans ma chambre à subir les crises d’angoisses et de délires dues à mes addictions. En fait, je fus poussé par mes parents à m’enfermer dans ma chambre pour me sevrer, c’était leur discours officiel. Or la raison officieuse était plutôt pour me cacher aux yeux de tous.
A la Noël 2003, mes parents m’informèrent que tout était prêt pour mon départ au bout du monde. C’était leur cadeau. Ils avaient contacté un vieil ami, installé depuis longtemps à Nouméa, que je ne connaissais pas. Il était psychanalyste et s’appelait Germain Mourot. Il allait m’aider à m’intégrer dans la vie calédonienne. De manière sous-jacente, il devait me psychanalyser pour m’aider à me rétablir. Je leur en voulais à mort.
C’est ainsi que mi-janvier 2004, je débarquais sur le joli caillou. Je quittais le froid hivernal de l’hémisphère nord pour trouver la chaleur estivale de l’hémisphère sud. Germain récupérait une loque humaine. Il avait bien travaillé pour ma venue. Il m’avait trouvé un appart, un job, les premiers jalons pour retrouver un équilibre psychologique. Il devait être un bon ami de mes parents pour s’être remué comme cela, ou alors il y avait autre chose de caché derrière cet accueil. Ce qui était très probable avec mes parents. Grâce à lui, je remontai petit à petit la pente.
Pendant trois ans, il m’a énormément soutenu face à mes crises psychotiques. Je réappris à me sociabiliser à son contact. Maintenant, cela fait un an que je suis ‘mentalement stable’ avec parfois des alertes que je suis capable de surmonter seul.
Par contre depuis quelque temps, les alertes me taquinent plus souvent. Depuis que j’ai fait mon songe étrange début janvier. J’ai comme l’intuition que quelque chose ne va pas. Il va se passer un malheur que je n’arrive pas à définir. Il faut que j’en parle à Germain.
Ca fait longtemps que je n’ai pas eu Germain au téléphone ou que je ne l’ai pas vu. Dois-je tout lui dire ? Même le mort de ce songe qui lui ressemble. Non, cela je le garde de côté pour l’instant, rien que pour moi. Je verrai plus tard. Il faut que je pense à l’appeler ce soir. Quelle heure se fait-il ? Houlà ! Il est déjà 13 heures. Il est temps d’arrêter mes divagations éthyliques et historiques. Que vais-je faire ? Je sais. Je vais aller faire du kitesurf pour me décrasser. Je me lève, encore déséquilibré par les vapeurs d’alcool. Mais avant un petit cinq contre un m’échauffera. Je me prépare et pars au kitesurf. Je demanderai lundi à Steve de combler mes trous noirs de la soirée d’hier.


Un week-end nautique


Du samedi 22 au lundi 24 mars 2008.

Sur la RT1 en direction d’abord de son gourbi comme il aime à appeler sa propriété, nous parlions de temps en temps de la pluie et du beau temps, de ce que nous avions fait les semaines précédentes, sans aborder une seule fois mes alertes psychotiques.
Germain était venu me chercher en retard. J’étais prêt à l’heure pour une fois. Impatient et surtout inquiet que cela ne soit pas le bon week-end. Nous avons chargé mes affaires dans le coffre de son 4X4, un Land Rover, puis nous sommes partis pour notre grand week-end nautique. J’ai pris un sac militaire rempli de vêtements de rechange, d’habits de sports nautiques, de ma trousse de toilette et d’un livre. Je me suis aussi trimballé ma housse de surf contenant 2 planches de surf, une shortboard et une mini-malibu.
Ce que j’apprécie chez Germain, c’est son côté humain. Je me sens normal à son contact. Je pense qu’il apprécie mon respect du silence. Il doit en voir des biens mûrs, comme je l’ai été, tous les jours de la semaine en psychanalyse. Afin de trouver son équilibre, il doit aimer se ressourcer seul ou avec des personnes proches qui ne se prennent pas la tête. Chose que j’arrive très bien à faire maintenant. Je suis arrivé à me conformer au mode de vie calédonien, surtout vis-à-vis de l’expression « Casse pas la tête ». De prendre la vie au jour le jour est plus rassurant que de faire des projets qui vous mettent la pression.
Au bout de trois heures de route, nous arrivons à sa propriété. Il a une belle propriété tout de même le Germain, avec sa petite maison coloniale au milieu. Ca rapporte la psychanalyse. Nous descendons de voiture. Je l’aide à charger ses affaires dont des articles de pêche et de plongée, des jerricans remplis d’eau potable, dans le coffre de son 4X4. Nous rajoutons quelques conserves dans sa grosse glacière, déjà présente dans l’auto et bien chargée en victuailles. Il ne rigole pas avec la bouffe, le Germain, quand il part en virée en mer.
Nous repartons vers Népoui. Arrivé au port de la commune, Germain gare son Land Rover prés du quai où est accosté son bateau. Nous déchargeons son auto de nos affaires pour les ranger dans son superbe voilier de 12 mètres, un ‘petit modèle’ équipé de 2 moteurs. Il vérifie le niveau d’essence de ses réservoirs. Il me demande d’aller voir le responsable du port pour prendre de l’essence, le temps qu’il range son véhicule sur le parking du port. Je m’exécute. En revenant de l’amirauté, je vois Germain en train de remplir ses réservoirs.
- Tu te sers déjà ? Sans attendre l’accord du chef ?
- Je le connais bien maintenant « l’Amiral », il ne va pas s’offusquer. Si j’étais allé le voir, il m’aurait tenu la jambe.
- Tu ne crois pas qu’il va te la tenir au paiement.
- Non, car de nouveau c’est toi qui vas retourner le payer.
La sécurité de la borne se bloque. Germain insiste avec quelques giclées pour rajouter encore de l’essence puis range le bec. Il accompagne le geste à la parole. Il remplit le chèque et me le tend. Je le prends et cours le déposer à l’amirauté.
Pendant mon aller-retour, Germain a déjà largué les amarres sauf une. Il me demande de le faire et de sauter sur le bateau. Je m’exécute là aussi.
Démarrage des moteurs, nous quittons la baie de Nekoro en direction du grand large. Nous franchissons la passe de Mueo à travers la barrière de corail. Germain arrête les moteurs et je hisse les voiles.
Il m’explique que nous allons suivre la côte en direction du nord de l’île jusqu’à dimanche midi et après nous ferons demi-tour pour rentrer. Dés que je vois un spot de vagues pour surfer, nous ancrerons le bateau, tandis que lui pêchera. Germain me propose de piloter son voilier. Je m’empresse de le remplacer à la barre. Germain s’assoit et regarde paisiblement le paysage. Nous naviguons tranquillement à la force du vent. Ca fait du bien l’air du grand large.


Dimanche après midi, au retour, je sens que notre grande conversation va débuter. Je n’ai pas eu le plaisir de surfer à l’aller, l’océan était calme. Nous avions pêché en plongée samedi en fin d’après midi à la barrière de corail sous un beau soleil couchant. Le bateau était ancré pour la nuit en face de Voh. Les vents nous ont poussé jusqu’à hauteur de Poum où nous avons cassé la croûte le dimanche midi.
Tenant la barre, Germain attaqua en tirant une bouffée de sa clope :
- Je t’ai observé ce week-end au pilotage du bateau. Dés que tu pratiques un sport, tu ne doutes de rien quelles que soient les personnes que tu as en face de toi.
- Ah bon ! Je n’y fais jamais trop attention.
- Je l’avais déjà remarqué avec d’autres sports, au golf, à l’escalade, en hobie cat, en planche à voile et j’en passe. Tu gardes ton calme et ta concentration. Rien ni personne n’arrive à te déstabiliser. Comment fais-tu ?
- Je ne sais pas trop l’expliquer, c’est comme ça. Je suis passionné par les sports quelle que soit la discipline. Dès que je pratique un sport, j’ai comme une bulle qui se forme autour de moi. Cette bulle me protège. J’arrive à contrôler mon entourage. Je suis en confiance. Ce qui me permet de m’exercer jusqu’à une maîtrise parfaite du sport.
Où veut-il en venir ?
- C’est incroyable. A l’inverse, dans les situations courantes de la vie ou au travail en dehors du monitorat, tu perds tous tes moyens. Tu ne sais pas t’exprimer.
- Je sais. Cela aussi j’ai du mal à l’expliquer aux autres comme à moi-même. Sans vouloir être haineux, je pense que cela vient de la superbe éducation de mes chers parents. Hum ! Comme j’ai aimé leur éducation des trois B : Brider, Brimer et Baratiner. Ils sont montés presque au paroxysme avec moi mais pas avec les trois suivants. Même mes grands-parents les ont aidés. C’est peut être à cause de cela que je m’efface en public. J’ai du trouver une échappatoire dans le sport, je n’étais plus à la maison donc sous leur emprise.
- Tu t’auto-analyses, c’est bien. C’est le meilleur remède pour guérir, en tous cas pour s’accepter.
- Merci mais tu m’as pas mal aidé dans ces quatre années. Je maintiens mon équilibre mental depuis un an seulement avec des rechutes. L’élève n’a pas encore dépassé le maître.
- Il est vrai. Tu es sur la bonne voie pour être soi-disant un être normal. Retiens bien ceci, qui est normal dans ce bas monde ? Personne. Nous avons tous nos lubricités, chez certains celles-ci sont plus fortes que chez d’autres ou ils n’arrivent pas à les contrôler. Regarde-moi. J’ai aussi ma folie que je ne vais pas te confesser, dit-il en souriant.
- Ah, quel dommage !
Nous rions tous les deux. Germain reprend :
- Je ne suis pas maître en psy puisque je dois régulièrement m’auto-étudier pour être bien. Les gens ont peur la plupart du temps de s’écouter réellement, il leur faut des personnes vers qui se retourner pour les aider. C’est ainsi que la société a inventé les corps de métier psy.
- Pas mal l’explication. J’en déduis que comme je n’ai plus peur de regarder au fin fond de mon être pour corriger ou accepter ce qui ne va pas, je suis plus équilibré que tout le monde, m’exprimé-je en souriant.
- Non, pas à ce point. Il faut toujours un avis extérieur pour apporter si possible la neutralité sur les moyens à mettre en œuvre. De même, si tu transmets ta déduction à des gens et ainsi de suite, quand tout le monde le saura, les psys comme moi n’auront plus de clients. Merci pour nous, rajoute-t-il en souriant aussi.
- D’accord, d’accord, je garderai le secret jusque dans ma tombe. Puis-je te poser une question indiscrète ?
- Vas-y.
- Comment connais-tu mes parents ? Et depuis combien de temps ?
- Cela fait deux questions, non indiscrètes. Je m’attendais à ce que tu me poses ces questions. Bien plutôt, je dois te l’avouer. Tu n’es pas très curieux. Alors par où vais-je commencer mon récit ?
Un court silence nous traverse. Il se concentre et reprend :
- Après avoir fait mon auto-psychanalyse, mes dernières années d’études se terminaient avec des stages. J’ai réussi à être pris dans un grand cabinet bordelais de psychologie qui avait ses entrées dans les hôpitaux psychiatriques de la ville. J’avais choisi Bordeaux car c’est la plus grosse ville proche de l’océan atlantique. Comme tu sais, je suis un grand passionné de voile et de golf comme ton père. Bordeaux m’offrait la meilleure possibilité de pratiquer régulièrement mes sports favoris. J’ai rencontré ton père sur les greens et sur l’eau. Nous avons rapidement scellé notre amitié. Je vais prendre les devants sur tes questions suivantes. Tu ne peux pas te souvenir de moi car je suis parti avant ton 1er anniversaire, sur un autre stage. A mes 30 ans, mon diplôme en poche, je suis revenu en Nouvelle-Calédonie m’établir en tant que psychanalyste. Tu sais, je suis né ici. J’ai toujours gardé le contact avec tes parents.
- D’accord, maintenant je comprends mieux ta relation avec mes géniteurs et leur décision de me faire venir ici, suite à leur échec face à ma déchéance. Je suppose qu’ils t’ont tout expliqué…
- Oui, oui. Mais non, je ne te dirai rien, secret professionnel. Je sais que tu es encore en conflit avec tes parents. D’un, tu me l’as dit et de deux je les ai eus dernièrement à la suite de votre dernière conversation qui s’est très mal terminée. Ils étaient remontés par ton attitude…
- Tu as attendu un peu et là tu vas me travailler pour que je leur pardonne. Tout va rentrer dans l’ordre. Ils te payent pour me psychanalyser.
- Laisse-moi finir, ne t’énerve pas. Non, ils ne me payent pas, j’ai accédé à leur demande de service à titre amical. En fait, ils étaient aussi remontés contre moi. En résumé, il n’était plus d’accord avec mon attitude pour te guérir et ce que tu étais devenu. Mais tous les maux ne se résolvent pas en un jour. J’espère que tu me comprends. Je te fais une fleur en te disant cela, la conversation avec tes parents doit normalement rester dans le protocole de réserve du psychanalyste. Je ne voudrais pas être une source supplémentaire de conflit entre toi et tes parents
- Excuse-moi de m’être emporté mais je n’arrive toujours pas à leur pardonner et je ne sais pas si j’y arriverai un jour. Merci pour ces renseignements. Cela m’aide un peu à me réconforter. Tout ce que j’ai vécu à leurs yeux jusqu’à aujourd’hui n’est pas bien, inacceptable. De même aussi tout ce que je vais vivre dans le futur, je pense que ça ne sera toujours pas acceptable à leurs yeux.
- Il faut te faire une raison. Je ne peux rien faire là-dessus. Je ne peux seulement t’aider qu’à t’accepter et accepter le comportement des autres envers toi pour que tu continues à vivre « normalement ».
Un silence s’installe entre nous. Au bout de quelques minutes, Germain reprend la parole, une cigarette au bec.
- Explique-moi plus explicitement tes troubles actuels.
- Je perds régulièrement mon calme et ma concentration depuis le songe que je t’ai raconté, aussi bien au travail qu’en société. Ne pas lui dire sur la ressemblance du mort de mon rêve. Il est vrai, comme tu l’as dit tout à l’heure, cela ne m’arrive pas quand je fais du sport. Mes doutes pré-calédoniens reviennent me hanter parfois depuis surtout cette fameuse dernière conversation avec ma mère. Je sens comme un mal qui veut sortir. Plutôt un présage que je n’arrive pas à définir. On veut m’avertir de quelque chose dont je ne sais absolument rien. Ca me perturbe.
- Es tu sûr pour ce message de l’au-delà ?
- Non, je ne suis sûr de rien. C’est comme une intuition.
- Ne te mets pas martel en tête avec cela. Tu ne sais pas si réellement ton rêve est un présage. Faut-il faire confiance à ses intuitions ?
Il se met à rire, je fais la moue. Puis moi aussi, je commence à rire car je vois qu’il rit franchement de bon cœur, comme un ami qui taquine son ami par rapport aux sornettes que ce dernier sort. Nous arrêtons de rire et Germain reprend :
- Sérieusement, ne fais-tu pas l’amalgame entre ce rêve, la conversation avec ta mère et tes nouvelles responsabilités professionnelles sur lesquelles tu te mets inconsciemment la pression ?
- Tu as sûrement raison, dis-je en réfléchissant. Je vais prendre du recul avec tout cela dès mardi.
- Pas dès mardi, tout de suite s’il te plaît.
- Laisse-moi le temps de digérer tout ça.
- Il n’a rien à digérer. Sinon, autre question pour te tester, as-tu concrètement accepté la mort de ta tantine Francine ?
- C’est dur, mais ouais. Elle était comme ma seconde mère à me soutenir sur tout ce que je faisais. Elle me manque mais j’arrive à vivre sans elle. Pour me réconforter, je me dis que tout ce que je fais c’est pour elle, qu’elle me surveille de là-haut. Comme toi, je devance tes autres questions. J’ai casé Elgä dans une passade amoureuse de ma vie sentimentale sans minimiser son importance. J’ai fait une croix sur ma situation professionnelle passée en métropole. J’aime bien ma situation professionnelle actuelle. Au fait, tu l’as connue ma Tantine Francine?
- Oui, je l’ai côtoyée, me répond-t-il évasivement. Houlà !

Le voilier fait une forte embardée. Un brusque changement de vent termine notre conversation. Il devient plus fort en changeant de direction. Je me déplace pour réajuster la position des voiles. Le silence s’installe de nouveau entre nous jusqu’à notre appareillage au port de Népoui. Nous échangeons quelques formules d’usage lors du déchargement du bateau, pendant notre retour sur la route et au moment de nous dire au revoir pour rentrer chacun chez soi.
En fait après notre conversation et les manœuvres effectuées pour contrôler le vent jusqu’à notre retour aux quais, je pense que chacun de nous deux est rentré dans sa propre réflexion. Cette situation a plus ou moins continué sur la terre ferme jusqu’à notre retour sur Nouméa, las comme nous étions de notre virée nautique.


Sur mes parents et ma famille en général, je n’ai plus rien à dire. Leur comportement vis-à-vis de moi me débectera toujours. Je ne leur pardonnerai jamais. Je n’ai plus rien à leur dire. Je n’ai donc plus à les voir.
Pourquoi m’as-tu lâché, Tantine ? Dans ta lettre, tes explications n’étaient pas claires pour justifier ton acte. Tu étais malade, mentalement d’accord mais physiquement, cette maladie se guérit de nos jours. La science a fait des progrès pour repousser le cancer. J’avais besoin de toi. J’ai toujours autant besoin de toi. Tout allait s’arranger, une fois Elgä diplômée, nous serions partis vivre dans son pays, toi, elle et moi comme il était convenu entre nous. Tu appréciais Elgä et elle t’appréciait en retour. J’avais mis assez d’argent de côté pour faire face à tout. S’il avait fallu, les parents d’Elgä nous auraient aidés. Eux, au moins, ils connaissaient le sens du mot famille. Je regrette nos bons moments passés ensemble. Tu saurais me conseiller, me guider sur mes choix actuels. Tu étais tendre, douce et compatissante avec moi, pas comme ma mère.
Mon oncle Edmond et ma tante Adèle m’ont toujours dit qu’ils n’avaient jamais compris le revirement sentimental de mes parents à mon égard après la naissance de ma première sœur. Eux, ils formaient un vrai couple. Ils étaient les aînés de mes géniteurs, oncle Edmond en tant que frère de ma mère et tante Adèle en tant que sœur de mon père. C’est d’ailleurs grâce à eux que mes parents se sont rencontrés. J’étais leur neveu préféré. Que dis-je ? Je suis leur neveu préféré. Je parle d’eux comme s’ils étaient morts. Enfin, oncle Edmond est toujours vivant par contre elle est morte Adèle. Mortadelle ! Il est bon ce jeu de mots mais ce n’est pas ça qui la fera revenir. Ne jamais mettre oncle Ed dans le même le panier de crabes qui me sert de famille.
Elgä, pourquoi es-tu partie toi aussi ? Pas dans l’au-delà comme Tantine mais tu es rentrée si vite dans ton pays. Mon omelette, tu aurais du attendre. Je t’aurais tout expliqué et nous serions allés vivre ensemble en Norvège, ta terre natale. J’étais prêt à vivre en Norvège. Nous nous aimions, qu’est ce qui t’a pris ? On s’était engueulés mais ce n’était que passager comme d’habitude. La vie de couple est comme ça, avec des hauts et des bas. C’est ce qui cimente la relation. As-tu eu peur ? Mais de quoi, de moi, je ne t’avais jamais brusquée, frappée et même dans mon état dépressif je ne l’aurais jamais concrétisé. Je ne pense pas à l’époque que mon état accablé ait été la seule raison. Mes parents y sont pour quelque chose ? Sûrement mais quoi, j’aurais du mal à le savoir. Ils ne te portaient pas dans leurs cœurs car tu savais les contrer et tu me permettais de me défaire de leur joug. J’allais tout te raconter pendant le week-end où je suis rentré à notre appartement que j’ai trouvé vide.
Tantine Francine me rabâchait à chacune de mes visites qu’elle avait subi un complot destiné à échanger son bébé à la naissance. Elle était jeune, veuve, sans diplôme et surtout sans emploi. Elle était tombée en dépression après la mort de son mari. Il était mort jeune, avant ma naissance, d’un accident de travail. Gilles, son mari, travaillait avec mon père dans la même société. Elle était enceinte au moment de la mort de son mari, en même temps que ma mère. Ma famille s’est faite un devoir de l’aider. A l’une de nos rencontres, elle m’avait montré des photos de son défunt mari, de son adolescence à sa majorité. Je ressemble beaucoup à son mari, elle en avait déduit que j’étais son fils. Elle supposait connaître les conspirateurs. Il y avait mes parents, son psy et d’autres personnes dont elle ne voulait pas me donner les noms. Sans doute qu’ils étaient de moindre importance pour elle, seulement des exécutants. Elle n’a jamais su me dire si c’était un psychiatre ou un psychanalyste. Ils lui ont fait croire à l’accouchement que son bébé était mort-né. Son psy, dont elle ne se souvenait pas du nom, est même arrivé à la faire enfermer dans un hôpital psychiatrique après la naissance de son bébé mort-né. C’était un jeune docteur en psy quelque chose qui effectuait un stage, pour être confirmé par ses pairs. Après son enfermement, elle n’eu plus de nouvelles de ce jeune psy.
Pour clarifier cette histoire d’échange d’enfants une fois pour toutes, je t’avais donné, à toi, Elgä, 3 mèches de cheveux pour faire effectuer des tests ADN par tes amis chercheurs en biologie moléculaire. Je ne t’avais pas dit que ces mèches provenaient à la fois du mari de Tantine, de Tantine et de moi. Tantine avait gardé une mèche de cheveux de son mari en souvenir de lui, elle adorait la couleur de sa chevelure. Je t’avais donné un faux prétexte que tu avais semblé accepter. Mais tu es partie refaire ta vie dans ton pays en emportant les résultats ADN. Est-ce une vengeance contre moi ? Je n’avais et n’ai toujours pas de moyens de te contacter. Je n’ai jamais été chaud pour faire le voyage en Norvège afin de te retrouver, Elgä. Je ne sais pas si tu vis dans la même ville que tes parents.
Une ressemblance avec des photos d’un mort ne prouve rien. Les gens disaient que je ressemblais à mon père. Moi, je ne trouve pas trop. Même sur des photos de mes aïeuls maternels, je me suis aussi trouvé des airs de famille.





Des informations mitigées.


Dimanche 04 mai 2008.

Enfin rentré de mon week-end aventure, je laisse tomber mon sac d’affaires par terre près du clic-clac et je m’affale dessus tout éreinté. Cette sortie Kayak sur la côte sauvage avec mon patron et un groupe de ses amis est à la fois rafraîchissante et éreintante. Alterner des séances de canoës sur la mer en suivant la côte et des randonnées avec de l’escalade favorise l’endurance mais ce n’est pas de tout repos. Ce qui nous poussait à continuer était la beauté des paysages que nous traversions. Il est 19 Heures, je n’ai pas le courage de préparer à manger, d’ailleurs je n’ai pas faim. Le téléphone sonne, je décroche :
- Allo!
- Bonjour Thibou, c’est oncle Edmond. Comment vas-tu ?
- Bien, mais là fatigué de mon week-end sportif. Et toi comment vas-tu ?
- Très bien. Je ne vais pas être long, mon garçon. Je voulais avoir de tes nouvelles, cela fait longtemps que tu ne m’as pas appelé. Tu m’as oublié ?
- Non onc’Ed, j’ai été submergé par le travail et disons mes alertes psychotiques. Elles reviennent en force en ce moment.
- Tu es sûr que ça va, parce que j’ai vu tes parents ce week-end et j’en ai appris de bonnes te concernant. Je me fais le plaisir d’être ton messager.
- Ne t’inquiète pas mon oncle adoré. J’arrive à faire face aux aléas de la vie maintenant. Pour certains, je les gère encore avec difficulté mais je tiens le cap de l’équilibre et de la bonne humeur…
- Je t’en félicite. Vu ce que m’ont raconté tes parents sur votre dernière conversation. Je vois que tu as repris du poil de la bête. Je ne voudrais pas te bouleverser avec ce que j’ai à te dire. Je ne pouvais pas attendre, c’est trop sérieux. Il paraît très déterminé, l’onc’Ed.
- Je te remercie de te soucier de ma santé mais vas-y, n’hésite pas à me raconter si c’est important.
- D’accord, tu vois toujours Germain Mourot ?
- Oui, de moins en moins. Nous nous sommes vus juste avant ce long week-end. Nous avons dîné ensemble. Je lui ai servi entre autre d’alibi auprès de sa femme ce soir là. Normalement nous aurions dû faire une partie de poker chez l’un de ses amis qui a été annulée à la dernière minute. Pourquoi me demandes-tu cela ?
- Je viens t’apprendre que c’est lui qui a été le psychanalyste de Francine après la mort de son mari jusqu'à l’enfermement de ta tantine dans un hôpital psychiatrique. De plus c’est lui qui aurait insisté auprès de l’institution pour la garder après l’accouchement de son bébé mort-né.
- Non, ce n’est pas possible ! Germain, le psy de Tantine Francine ! C’est donc toi le psy dont Tantine ne se souvenait plus du nom. Pourquoi ne me l’as-tu pas avoué à notre dernière sortie nautique? Est-ce de cela dont tu voulais m’informer ? A la fin de notre dernier dîner tu m’avais dit sur un ton très sérieux que tu avais des révélations à me faire.
- Tu es encore là ?
- Oui, oui. Je me suis assis pour mieux digérer cette information. Continue et surtout ne t’arrête pas.
- Ok. Tes parents, énervés de raconter votre conversation, n’ont pas fait attention aux personnes qu’ils avaient en face d’eux. Ils se sont lâchés sur toi et Germain. Ils se sont rendus compte que j’étais présent. J’en avais profité pour leur poser une question qui te concerne indirectement…
- Qu’est-ce qu’ils ont dit sur moi ?
- Comme d’habitude, que tu es un incapable né et que tu ne sortiras jamais de ta dépression, et cætera, et cætera. Je ne voulais pas les déranger mais je n’en pensais pas moins quant à ton attitude pour leur répondre. Je voulais être sûr qu’ils répondent à la question que je m’apprêtais à leur poser.
- Ils sont toujours dans la même rengaine, cela va empirer puisque je ne suis plus sous leur emprise. Je comprends ton attitude mon oncle, je ne t’en veux pas. Tu m’as assez défendu auprès d’eux dans le passé. Quelle est cette autre information que je ne sens pas très bonne ?
- Voilà, il y a plus d’un mois, je suis allé chez tes parents. Près de leur maison, j’ai croisé un taxi où il me semble avoir reconnu Elgä à l’arrière qui tenait quelque chose dans ses bras. Je pensais avoir la berlue mais en me garant, je me suis repassé la scène. Mes yeux ne m’ont pas menti, elle tenait un enfant.
- Un bébé ! Pourquoi tu ne me l’as pas dit tout de suite ?
- Attends la suite. J’ai donc demandé si ce n’était pas Elgä qui était venue les voir avec son enfant. Ils m’ont répondu oui, complètement hors d’eux. Pour le bébé, ils ont poursuivi qu’elle n’avait pas attendu longtemps dans son pays pour tomber enceinte. Je ne crois pas trop à cette fin d’histoire. Je voulais être sûr avant de te prévenir.
- Quoi ! Tu penses que cet enfant est de moi.
- Je ne peux pas te le confirmer Thibou. Mais vu l’âge de cet enfant, on pourrait fortement le supposer.
Elgä aurait eu un enfant de moi, ce qui expliquerait sa fuite.
- Ca va mon garçon ?
- Ca roule mon oncle, enfin presque. Je méditais. Admettons que cet enfant soit de moi, cela expliquerait sa rupture à l’époque. Avec mon état mental, elle a dû avoir peur et je pense que mes parents n’ont pas dû la rassurer et ainsi la pousser à partir.
- Je te suis dans ta réflexion. Mais nous ne pouvons rien prouver. Que comptes-tu faire ?
- Je ne sais pas trop, cela fait longtemps que nous sommes séparés. Pourquoi aurait-elle attendu aussi longtemps pour venir me présenter notre enfant ?
- Moi non plus, je ne sais pas. Après, tes parents se sont repris et ont changé de sujet. Il n’était plus question de les faire poursuivre là-dessus.
- Merci tout de même mon oncle. Mais je ne sais vraiment pas encore ce que je vais faire de tout cela. Elle a dû refaire sa vie avec un autre homme, cet enfant est peut être le fruit de leur union.
- Si tu as besoin d’un coup de main, n’hésite pas. Tu sais que tu peux avoir confiance en moi.
- Je dois encore y réfléchir. Dés que j’aurai pris ma décision, je te ferai signe. Je sais très bien que je peux compter sur mon seul oncle adoré.
- Pas de soucis, je serai toujours là pour toi. Bon ! Je te laisse. Repose-toi bien. Je suis très content de t’avoir eu. Surtout, ne te mets pas martel en tête. Je vois que tu es en pleine forme. Continue comme cela, tu es sur la bonne voie. Je t’embrasse fortement mon neveu adoré.
- Merci encore mon oncle. Même si tes informations me rendent perplexe, moi aussi je suis heureux de t’avoir parlé. Cela fait du bien de se savoir soutenu et aimé. Je t’embrasse très fort aussi, à plus.
- Au revoir.
Il raccroche le téléphone.

Aurais-je dû tout lui dire ? Que j’avais à l’époque des projets de partir vivre en Norvège avec Elgä, une fois sa thèse terminée. Que je comptais emmener Tantine avec nous. Que Tantine me serinait sans cesse que j’étais son enfant. Ma ressemblance avec son mari sur des photos prouvait l’échange de bébé. Le test ADN ? Sans le résultat, nous n’avions pas de preuves tangibles. Elgä détenait le verdict. L’a-t-elle gardé ?
Elgä que faut-il que je pense de toi ? Pour l’instant, mes sentiments sont mitigés à ton égard. Je dois me laisser le temps de la réflexion.
Et toi, Germain, comment dois-je me comporter auprès de toi ? Tout au long de ces quatre ans où nous nous sommes côtoyés, tu as été gentil, voire même compatissant, et à la fois distant avec moi. En exemple, pendant tout le repas de notre dernier dîner ensemble, tu as été presque inexistant avec moi. Je t’ai pourtant raconté mes soucis. Mes alertes à répétition proches l’une de l’autre.
Entre autre vis-à-vis de la veille sur ma rencontre fortuite avec une superbe nana, tu en as ri. Qui n’aurait pas ri d’ailleurs. Moi-même j’ai fini par rire. Je marchais sur la place des Cocotiers, tout à coups je reste posté comme un chien de chasse à l’affût. Elle était là se promenant toute pimpante et guillerette sur la place. Je la suivais à distance. Je l’ai perdue quand un wagon de touristes japonais est passé devant moi. Je l’ai cherchée, quand tout à coup, au détour d’une allée, je suis tombé nez à nez devant elle. Elle m’apostropha sur ce que je faisais, ce que je cherchais. Je ne sus pas lui répondre, surpris comme j’étais. Elle commença à se moquer de moi. Je bredouillai une réponse bidon comme quoi il me semblait que nous nous étions déjà rencontrés. Je m’excusai de mon erreur et partis aussi sec dans la direction opposée. Elle me poursuivit, je ne l’entendis même pas arriver à ma hauteur. Elle interrompit ma marche sur le fait que c’était vrai que nous nous étions déjà rencontrés. Complètement perdu, je ne savais plus où j’étais et ce qu’elle me voulait. Je me suis enfui.
J’avais poursuivi notre discussion sur mon mal être de ces derniers temps. La cause n’en était pas mes crises, seulement une conséquence. Je lui fis part de nouveau de mon intuition sur un grand malheur à venir pour moi ou pour un de mes proches. Tu as contourné mon discours par des phrases bidon comme d’habitude. Je te sentais loin de moi, ailleurs. Il m’était impossible de t’aborder pour continuer à te questionner sur ta vie à Bordeaux, il y a plus de trente ans.
A la fin de ce dîner tu es redevenu sérieux et tu m’as dit que tu avais des révélations à me faire. Tu as poursuivi que tu me les dirais la semaine prochaine, que tu n’étais pas en état de le faire car tu étais impatient d’être à ce week-end aussi important pour toi. Enfin tu as conclu que nous avions beaucoup de choses en commun puis nous nous sommes dit au revoir.
La seule chose de bien dans cette soirée fut le resto, le Tex Mex de la Baie des Citrons. On y mange très bien et l’équipe est sympa. Même le gérant est venu nous voir. Germain est un client régulier.



J’ai hâte d’être à lundi matin.

Une découverte inconcevable.


Mercredi 07 mai 2008.

A peine, j’arrive au boulot que Steve me tombe dessus :
- Tu es quand même venu. As-tu écouté la radio ce matin ?
- Non, j’étais pressé, je n’ai pas attendu le flash info de 6 heures.
- Tu n’écoutes pas la radio dans ta voiture, je suppose.
- Absolument, je mets des CD de musique.
- Alors tu ne sais pas ce qui s’est passé.
- Quoi, dis-moi vite.
- Sois fort, je te préviens que cela va te bouleverser.
- Tant pis, si c’est nécessaire, fais-le.
- Ok. Ils ont annoncé la mort de Germain Mourot pendant le week-end dernier. Ils l’ont retrouvé étendu raide mort en bas des falaises de Gohapin.
- Non pas ça. Ce n’est pas possible !
- Toutes mes condoléances, mon vieux.
- Merci, dis-je en balbutiant. Continuer à faire croire que je suis triste alors que je suis à l’inverse totalement énervé et un peu effondré. Laisse-moi seul un instant, s’il te plaît.
- Pas de problème, j’ai déjà prévenu les autres, me lance-t-il en s’éloignant.

Je pars faire semblant de me recueillir dans un coin de la réserve. En fait, j’enrage. Comment a-t-il pu me faire ça, le Germain ? J’étais impatient de le voir pour entendre ses révélations à mon sujet. Je repousse ma volonté de lui téléphoner depuis lundi. Il m’avait dit qu’il m’appellerait. En soi, c’est une bonne chose que je ne l’aie pas contacté. La police doit avoir sûrement son portable, lui laisser des messages m’aurait coincé dans ses étaux.
C’est impensable, au moment où je pense avoir un autre moyen d’obtenir des éclaircissements sur ma naissance, la personne se fait la belle mais là définitivement. A moins que Germain ait voulu me révéler tout autre chose sur moi. Mais quoi ? Je ne le saurai plus jamais.
Mes parents, impossible, avec notre dernière conversation et ce que m’a confirmé onc’Ed, ils ne veulent plus me parler.

J’écoute le flash infos suivant. La présentatrice annonce la mort de Germain. Elle finit par préciser que l’enterrement se fera lundi prochain.
Je fais le triste toute la journée. Mes collègues me laissent tranquille, chacun me fait part de ses condoléances que j’accepte. Je ne vais pas à la vente. Je reste dans la réserve à ranger et à inventorier.
Ne t’inquiète pas Germain, j’irai à ton enterrement mais pas pour la bienséance. Selon une insulte qui est un titre d’un vieux film des années 50 ou 60, « J’irai pisser sur vos tombes ». Je serai là mais pas pour lâcher ma pisse sur ta tombe, ça l’embellirait.

L’enterrement du traître.


Lundi 12 mai 2008.

La messe funéraire en l’honneur de Germain fut belle ! L’église était noire de monde.
Je retrouve la plupart des convives autour du cercueil pour l’enterrement de Germain. Je reste la tête baissée en faisant semblant de chougner jusqu’à la fin de la cérémonie. A chaque fois que je lève la tête pour regarder autour de moi les visages en pleurs ou faisant semblant d’être tristes comme moi, je souris. C’est plus fort que moi, cette tension d’accablement me prend aux tripes et, pour lâcher je suis obligé de rire. Sur le peu d’occasions où ma tête est droite, il me semble avoir aperçu une personne ressemblant trait pour trait à Germain. Ce ne peut pas être lui, l’enterrement a bien lieu avec tout ce monde, on ne nous aurait pas tous bernés en même temps. Germain aurait un frère jumeau ? Il ne m’en a jamais parlé. Il était vraiment cachotier ce Germain et lâche de surcroît. J’ai l’occasion d’entrapercevoir aussi la superbe nana de la place des Cocotiers. Avec le fou-rire, je suis gêné de croiser son regard. Enfin le curé a fini son discours, tout le monde va pouvoir donner sa bénédiction au mort. J’attends dans la file mon passage devant le cercueil. Je suis devant et j’esquisse le signe de croix, il n’aura pas par contre ma bénédiction. Je m’éclipse discrètement de l’attroupement. Proche de la sortie, je suis stoppé par la superbe nana :
- Bonjour, Vous me reconnaissez ?
- Oui, la place des Cocotiers, en essayant de me dégager.
- je ne vais pas vous manger. Excusez-moi pour la dernière fois de vous avoir agressé. Je n’allais pas très bien et j’ai horreur qu’on me suive.
- Il n’y a pas de problème. Je m’excuse moi aussi mais votre beauté m’a subjugué. Elle me subjugue encore.
- C’est gentil, merci. Moi c’est Eléanore, en tendant la main.
- Euh ! Ne rigolez pas moi c’est Thiburst, en lui prenant la main. Elle a la main douce.
- C’est original. Qui t’a donné ce prénom ? Elle commence à me tutoyer, est-ce bon signe ?
Nous sortons ensemble du cimetière du 6ème KM.
- C’est ma mère. Je ne sais plus si elle a lu un livre ou vu un feuilleton sur les croisades avec un certain chevalier héroïque. L’œuvre lui a plu et je porte son prénom, Thiburst. Mon père n’a rien dit à l’époque. Je ne vais pas déjà lui préciser toute mon histoire familiale.
- C’est pour ça que tu suivais une thérapie avec Germain.
- Pardon !
- La première fois que nous nous sommes rencontrés se fut dans la salle d’attente du cabinet de Germain. Je sortais de ma séance et toi tu étais le dernier client. Tu ne te rappelles pas, cela fait à peu près 6 mois.
- Non, désolé. Je ne me rappelle pas t’avoir vue dans le cabinet de Germain à cette époque. Mais peut-être que mon inconscient se rappelle, lui, et c’est pour cela que je t’ai suivie il y a 15 jours sur la place des Cocotiers.
- Il est mignon. Originale, ta manière de me draguer.
- Je vais te laisser, ton ami doit t’attendre, je réponds très gêné par sa franchise.
- Je n’ai pas de petit ami. Et mes amis doivent être partis maintenant.
Nous regardons autour de nous, il n’y a plus de voitures, nous sommes les deux seules personnes à rester aux portes du cimetière. Le meilleur des endroits pour draguer !
Je lui propose de la raccompagner chez elle. Elle accepte tout de go. En chemin, nous continuons à discuter. Elle a beaucoup de similitudes avec moi. Elle est en froid avec ses parents. Elle n’aime pas Germain, il a essayé de la manipuler pour se la taper. Moi j’ai été manipulé par Germain mais pas pour les mêmes raisons. Elle a 30 ans et est encore sans enfants. Arrivé devant chez elle, pour qu’elle me lâche, nous échangeons nos numéros de portable et prenons déjà rendez-vous pour mercredi soir à la Baie des Citrons, au Tex Mex, en se faisant la promesse de s’y tenir quoi qu’il arrive.
Heureusement que je me retiens, sinon j’aurais déjà succombé à son charme et je l’aurais suivi dans son invitation à boire un café chez elle. Qui sait comment cela aurait fini ?
Je sens que c’est bien parti entre nous. Elle est un peu loufoque comme moi. Le couple promet !



Une information tellement désirée

Samedi 17/05/08.

La journée de travail terminée, je rentre chez moi pour me reposer un peu et me préparer pour mon deuxième rendez-vous avec Eléanore, ce soir. Tiens ! Le facteur est passé. Je récupère le courrier et rentre chez moi. Je fais le tri dans les enveloppes reçues, l’une d’elles m’attire, elle ne semble pas être une facture ou une publicité. Je l’ouvre et la lis :

Monsieur FRANGLOIS,

Mon nom vous importe peu, sachez seulement que je me prénomme Benjamin. Je suis un ami très proche de Germain. Dernièrement, il m’a fait des révélations dont certaines vous concernent. Dans le cas où il lui arriverait quelque chose, mon ami m’a demandé de vous faire part de ces révélations. Je ne sais pas si je fais bien de vous les dire, surtout maintenant, juste après sa mort. Mais j’ai pris mon courage à deux mains afin de vous les transmettre :

Il pense que vous vous en doutiez déjà. Germain fut le psychanalyste de votre tantine Francine lors de sa dépression après la mort de son mari. C’est lui qui a insisté auprès de l’hôpital psychiatrique pour la prendre en charge après la naissance de son bébé mort-né. Mais il a fait cela sous l’injonction de vos parents. En fait, le bébé de Francine n’est pas mort. Vos parents, votre tante Diane, son gynéco d’amant et lui avaient monté une conspiration pour lui faire croire que son bébé était mort à la naissance. Votre mère venait de refaire une fausse couche, pour simplifier les choses, à un mois de son accouchement. Vos parents ont pris la décision de faire semblant que votre mère soit encore enceinte et de récupérer le bébé de Francine, vu son état mental. Pour eux, elle ne pouvait pas assumer la responsabilité d’élever un enfant. Vos parents ont impliqué les autres personnes que je viens de citer dans leur complot. Cet enfant échangé à la naissance, c’est vous Monsieur FRANGLOIS. Vous êtes le fils de Francine et de son regretté mari, Gilles.

Aussi Germain a appris dernièrement par le biais de vos parents qu’Elgä, votre ancienne petite amie en France, était revenue vous voir pour vous annoncer une nouvelle pouvant vous déstabiliser. Elle est repartie dans son pays à l’époque du début de votre dépression car elle a eu peur. Elle était tombée enceinte de vous et elle ne savait pas comme vous alliez réagir à cette nouvelle. Elle s’était imaginé le pire. Lors de son appel à vos parents, pour les informer de votre état, sans les avertir qu’elle était enceinte de vous, ils lui ont conseillé de partir loin de vous. Ils en ont profité pour enfoncer le clou sur votre comportement : vous avez toujours été instable et asocial et vous fuyez les responsabilités. En définitive, votre couple n’avait pas d’avenir. Elle n’aurait fait que surfer entre des vagues d’un bonheur fugace et des crises d’une angoisse infinie à votre contact.
Quand elle est venue dernièrement en France pour annoncer que vous aviez fait un bébé ensemble, elle est tombée seulement sur vos parents. Elle était venue avec votre enfant pour vous le présenter. C’est un garçon qui, à ce qu’il paraît, vous ressemble beaucoup. Elle a vivoté pendant ces 4 ans avec des passades amoureuses. Elle vient de rencontrer quelqu’un avec qui ça colle. Ils veulent se marier mais avant tout, ils veulent savoir ce que vous comptez faire vis-à-vis de votre garçon. Ils aimeraient que son futur mari l’adopte et ainsi qu’il porte son nom. Pour l’instant il porte le nom de sa mère. Ils ne veulent pas de situation abracadabrante. Vos parents lui ont répondu qu’ils ne savaient pas où vous étiez, tout en feignant le chagrin. Un beau matin de janvier, vous êtes partis de leur maison sans rien leur dire pour ils ne savent pas où. Depuis ils n’ont plus de nouvelles de vous. Ils ont lancé des recherches auprès de la police nationale, de la gendarmerie et même avec des privés. Les recherches se sont avérées infructueuses. Elgä est rentrée de nouveau chez elle dans son pays, sans savoir pour l’instant quoi faire.

J’espère que ces informations vous aideront dans votre vie.

Sincèrement vôtre.

J’en reste baba. Je m’assois. Mieux qu’une preuve orale d’un des conspirateurs de mon échange à ma naissance, j’ai une preuve écrite. D’accord, cette preuve ne provient pas directement d’un des comploteurs mais presque tout comme. Enfin, quel soulagement ! Avec cette preuve écrite, je vais pouvoir confondre mes faux parents sans qu’ils puissent se défendre. Ma Tantine, ma vraie maman, j’espère que tu es aussi heureuse que moi, là haut.
Que dois-je faire pour Elgä ? Elle veut se marier avec son nouveau casse-croûte et qu’il adopte notre enfant. Je ne connais absolument pas ce pitchoun de garçon et lui non plus d’ailleurs, il ne me connaît pas. Est-ce qu’Elgä lui parle de moi ? Sûrement que non. Il doit déjà peut être l’appeler papa, le prochain mari d’Elgä. Le pauvre ! Comment peut-il le prendre si je rentre comme ça dans sa vie à ces quatre ans seulement. Je n’ai pas le droit non plus de reproduire ce que m’ont fait mes faux parents, d’un autre côté. Mais je n’ai surtout pas envie de martyriser mon enfant. J’ai envie de dire oui à Elgä afin de les revoir une dernière fois, elle et notre enfant, que je n’ai pas encore vu mais c’est tout comme. Plus tard, si notre enfant veut me rencontrer, je ne lui fermerai jamais la porte. Qui sait, même à quatre ans, notre garçon voudra peut être que je reste dans sa vie ?
J’ai envie de changer radicalement de vie et de faire table rase du passé, sans oublier mon onc’Ed et j’espère mon garçon. Mais avant cela, je vais proposer à Eléanore si elle a envie de voyager en France à partir de Juillet prochain pour quelque temps. Il faut que je lui raconte tout. Elle en connaît déjà un rayon sur moi depuis notre premier rendez-vous.
Il ne faut peut être pas ce soir tout lui raconter, la soirée s’annonce bien. Je suis complètement détendu et heureux.

Ne pas oublier non plus de prévenir le seul pilier qui m’a toujours soutenu envers et contre tous dans cette famille ADAMS.


Eléanore prépare-toi, J’ARRIVE.

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